Ca paraît difficile à croire, mais les rues touristiques et les pavillons aisés coincés entre Telegraph Hill et les quais du Nord de la ville furent l’avant-poste de la contestation beat sur la côte ouest. En restent de vieilles barbes rangées des voitures, de bons bouquins de mecs morts et de chouettes cafés où lesdits posèrent leurs illustres fesses.
Des 50-ies à aujourd’hui
North Beach fut le quartier italien qui connut son apogée avant la Deuxième Guerre, avec 60 000 italiens. Si l’on sait que Haight Ashbury fut le foyer du mouvement hippie, peu se souviennent que la beat generation est née à North Beach. Dans les années 50, les Italiens les plus riches partaient en banlieue, laissant des logements pas chers. Les « beat » investirent alors ce quartier vivant et accueillant, en en faisant un haut lieu de la littérature et de la musique (comme au même moment Venice à L.A. ou Greenwich Village à N.Y.).
> Facade de cuivre dans le quartier de North Beach.
Les « ol’ timers » aux cheveux blancs qui hantent certains bars sont encore là pour nous le rappeler, même si la jeunesse dorée a progressivement envahi le quartier. Le seul avantage qui découle de ce phénomène est le nombre incroyable de splendides créatures qui illuminent les rues de leur présence. C’est d’ailleurs toujours l’un des quartiers les plus intéressants pour sortir le soir, avec beaucoup de bars et de restos.
Howl et la naissance du Beat
Le 13 octobre 1955, une bande de poètes encore ado pour la plupart se lisent leurs œuvres dans la Galerie 6 de Fillmore Street. Un type de 28 ans à l’accent new-yorkais déclame Howl et enflamme l’assistance : il s’agit d’Allen Ginsberg.
Présent dans la salle, Jack Kerouac affirme que cette soirée a marqué le départ du mouvement littéraire beat et « la renaissance de la poésie à San Francisco ». A vrai dire, je ne savais même pas qu’elle y était née une première fois. Mais bon, on va pas chipoter.
Places fortes du mouvement
Tu te rappelles de la scène de la baignoire dans Las Vegas Parano ? Quand Benicio Del Toro demande à Johnny Depp de balancer son sèche-cheveu dans l’eau du bain pour kiffer encore plus le morceau White Rabbit de Jefferson Airplane ? A peine 20 ans et pas encore fondateur du groupe, Paul Kantner fait régulièrement le trajet de San José à North Beach pour aller bouquiner chez City Lights (261 Columbus avenue) juste à côté du bientôt célèbre coffeehouse Le Vesuvio (255 Columbus Ave).
> Quartier de North beach vu depuis la Coit Tower à SF.
Ouverte par Ferlinghetti, cette légendaire librairie place l’épicentre de la zone Beat à North Beach, à l’angle de Columbus et de Broadway. Discret à son ouverture, l’endroit prend un gros coup de notoriété en 1956 avec l’arrestation du taulier pour « obscénité », suite à la publication d’un recueil de poèmes de Ginsberg.
Le Blackhawk, le Hungry I et le Purple Onion font aussi partie de ses coffeehouses de North Beach qui ont pas mal usés les fonds de culottes (déjà usés) des jeunes gens mouvementés par le Beat. Aujourd’hui seul rescapé, le Purple Onion s’est mué en comedy club, toujours au 140 Columbus Ave.
Sur la Route, le terminus
San Francisco, c’est aussi l’étape finale de Sur la Route, le roman séminal de Jack Kerouac. D’ailleurs celui-ci s’est installé en ville en compagnie de Carolyn et Neal Cassady, le type qui a inspiré Dean Moriarty, le héros de son livre. Agé de 35 piges en 1961, Cassady aimait dire qu’à 21 ans, il avait déjà volé 500 bagnoles et séduit 750 femmes. J’ose pas imaginer combien d’heures de baratin ça fait au total. Encore plus de taf qu’Astérix en Egypte.