Le 1er novembre 1755, Lisbonne fut frappée par l’un des tremblements de terre les plus dévastateurs de l’histoire européenne. Cette catastrophe naturelle, suivie d’un tsunami et d’incendies ravageurs, marqua durablement le Portugal et influença la pensée philosophique, scientifique et architecturale de l’époque, marquant un tournant pour le 18e siècle.
Le 1er novembre 1755, Lisbonne célèbre la Toussaint, l’une des fêtes les plus importantes du calendrier chrétien.
A 9h39, Dieu n’a pas encore abandonner ses ouailles. Les églises sont pleines de ferveur, de reconnaissance envers la miséricorde du Père sur terre et d’espoir de résurrection dans l’au de là.
On célèbre les saints entre autre Saint Vincent et Saint Antoine, respectivement le patron de la ville et celui du Portugal, né dans l’Alfama à Lisbonne et mort à Padoue.
Une minute plus tard, l’un des tremblements de terre les plus puissants et destructeurs de l’histoire européenne retentit dans l’Atlantique à équidistance de Lisbonne et de Rabat au Maroc.
Les secousses de magnitude estimée entre 8,5 et 9 sur l’échelle de Richter parcourent les 200 km entre l’épicentre et la capitale portugaise en quelques secondes et assomment la cité pendant 10 éternelles minutes.
A 9h50, le monde n’est déjà plus le même.
Chaque ville historique et chaque nation a son évènement traumatique. Sa catastrophe. Son point de fragilité ultime. Le point de bascule où tout peut s’effondrer. Le tremblement de 1755 tient cette place dans l’histoire de Lisbonne et du Portugal.
Contexte historique : Lisbonne au 18e siècle
Capitale riche d’un empire en difficulté
En 1755, Lisbonne est l’une des villes les plus riches et influentes d’Europe.
Avec 275 000 habitants, la capitale portugaise est l’une des 5 villes les plus peuplées du continent derrière Londres, Paris, Naples et Amsterdam.
Grâce à son empire, le Portugal jouit d’une économie coloniale générant des revenus considérables issus de l’or brésilien (15 tonnes d’or par an), des épices, du sucre, du trafic d’esclave et du commerce maritime. Le monarque portugais Joseph Ier est l’un des plus riches au monde.
Chaque année, près de 1 000 navires accoste dans le port de Lisbonne, faisant de la ville un carrefour commercial clé entre l’Europe, l’Afrique et les Amériques.
Elle est un centre économique, culturel et religieux, de premier ordre et abrite de somptueuses églises et des palais fastueux. L’opéra le plus moderne jamais construit a été inauguré le 31 mars 1755 sur le Tage près du Palais Royal.
Une majeure partie de la ville basse (Baixa) derrière le port est constitué d’un bati dense de maisons en bois où les rues sont étroites et leur distribution anarchique.
Une instabilité politique et économique
Le Portugal est confronté à des tensions politiques internes et à une forte dépendance économique envers l’Angleterre. Depuis laquelle, il importe la majeure partie de ses biens manufacturés payés en or, argent et diamant issue de ses colonies.
L’Angleterre est un allié historique mais aussi un terrible concurrent sur les mers et un gourmand négociateur dans le pays. Il impose notamment des réductions de taxes sur le vin portugais de la Vallée du Douro (ou d’ailleurs).
Le système monarchique est centralisé, mais le roi s’intéresse moins à la politique qu’aux femmes, au théâtre et à la chasse. L’aristocratie est divisé et les grandes familles sont en conflit. les élites sont divisées sur la direction à prendre pour moderniser le pays.
Au dessus, par nature, le clergé menace via l’inquisition ses opposants ou ceux qu’ils considèrent comme ses ennemis. Après avoir expulsé les juifs et les musulmans, reste les franc-maçons. Les jésuites sont influents aussi bien auprès des puissants que du peuple…
Déroulé de la catastrophe
Le tremblement de terre
À 9h40 le matin du 1er novembre 1755, les cloches sonnent dans le plus grand étonnement de tous.
Alors que la population se rassemblait dans les églises pour célébrer la Toussaint, une série de secousses sismiques ébranle Lisbonne pendant environ 10 minutes. 3 secousses séparé d’une minute de répit.
Des dégâts majeurs défigurent la ville. On estime que 85 % des constructions furent détruites ou gravement endommagées, y compris 35 églises et de nombreux palais.
Les constructions s’écroulent tuant des milliers de personnes sur le coup. Les habitants sortent des habitations pour trouver abri loin des murs, des toits et des cheminées qui s’effondrent.
Les ruelles étroites et obstruées de gravas, de morts et de blessés gênent leur progression et renforcent la panique générale.
Les deux places de refuges sont l’actuelle place du commerce (ou place du palais) bordé par le Palais royal sur le Tage et la place de Rossio plus en profondeur des terres.
Le tsunami
De part et d’autres de la Place du palais déborde le port de la ville. C’est un espace vaste et ouvert. Une majorité d’habitants prend logiquement cette direction.
Arrivés sur place, les yeux écarquillés, ils découvrent des bateaux posés par fois éventrés sur le fond essentiellement boueux de l’estuaire. Les eaux ont disparu.
A 10h, la mer revient d’abord avec une première vague sans incidence. Puis les eaux disparaissent encore une fois en profondeur. Et puis elles reviennent. D’une hauteur pouvant atteindre 6 à 15 mètres. Il y a aura en tout 3 vagues dévastatrices.
La montée des eaux engloutit la place, le port et les quartiers de la ville basse situés en bordure du Tage. Des bateaux furent projetés à l’intérieur des terres, et près de 10 000 personnes périrent noyées.
L’incendie
11h00 : Des incendies se déclarèrent dans toute la ville. En cause, les bougies allumées dans les églises et les maisons pour la toussaint, mais aussi l’effondrement des cheminées.
Les ruelles étroites, les maisons en bois et le vent soufflant ce jour ici créent des conditions de propagation dantesque avec des températures de plus de 1000 dégrés (estimation faite en laboratoire).
Le CO2 dégagé rend l’air irrespirable et asphyxie les malheureux à plusieurs dizaines de mètres du foyer.
Ces feux ravagèrent Lisbonne pendant 5 jours, détruisant ce que le tremblement de terre et le tsunami avaient épargné.
Conséquences à court et moyen termes
Tragédie humaine et matérielle
Le bilan humain à Lisbonne est estimé entre 40 000 et 45 000 morts à Lisbonne. De nombreuses victimes sont à dénombrer en Algarve, en Andalousie côté Atlantique (à Cadix notamment) et sur la côte marocaine (Rabat, Salé, Tanger, Assilah mais aussi Essaouira). Au total près de 70 000 personnes auraient perdu la vie suite au tremblement de terre.
Près de 85 % des bâtiments de la capitale portugaise furent détruits, plus de 10 000 bâtiments détruits ou gravement endommagés.
Les bâtiments relativement épargnés par le séisme sont détruits par les incendies qui s’ensuivent. Un opéra nouvellement construit, baptisé du nom prémonitoire d’Opéra Phoenix, est réduit en cendres.
Le Palais Royal, juste au bord du Tage (actuellement : place Terreiro do Paço), est également détruit : à l’intérieur, les 70 000 volumes de la bibliothèque royale sont perdus, tout comme des centaines d’œuvres d’art dont des peintures de Titien, Rubens et du Corrège.
Des archives royales extrêmement précieuses disparaissent, notamment les comptes rendus détaillés des grandes explorations réalisées par Vasco de Gama et d’autres navigateurs.
La cathédrale de Lisbonne et près de 35 églises et palais sont en partie détruits. Les pertes économiques furent estimées entre 30% et 50% du PIB portugais, soit une des plus grandes catastrophes économiques de l’époque.
Lieu insolite : L’église du Couvent des carmes dans le quartier de Bairro Alto n’a pas été reconstruite suite au séisme. Elle offre le visage fascinant d’une église éventrée et abandonnée par Dieu. Cette ruine et son squelette de pierre lugubre en guise de toit plaiera aux romantiques du 19e siècle à nos jours.
Reconstruction de Lisbonne
Sous la direction du Marquis de Pombal, la ville fut reconstruite selon un plan rationnel et moderne, avec des bâtiments antisismiques et des rues larges et rectilignes notamment dans la ville basse, aujourd’hui le quartier de Baixa.
Les bâtiments furent construits avec une technologie innovante : les structures dites « pombalines », capables de résister aux tremblements de terre grâce à des cages en bois intégrées aux murs.
Cette transformation fit de Lisbonne un modèle d’urbanisme.
Le coût de la reconstruction et les pertes humaines et matérielles affaiblirent économiquement le Portugal, mais renforcèrent la centralisation du pouvoir royal.
Anecdote insolite : Sur la place du commerce, le roi Joseph I est représenté à cheval pietinant des serpents face au Tage. Le monarque traumatisé par les évènements souffra le reste de sa vie de claustrophobie. Son palais sur le bord du Tage ne fut pas reconstruit. Il s’installa d’abord dans des tentes puis dans une construction en bois sur la colline d’Ajuda au dessus de Belem. C’est là que plus tard fût construit le Palais Royal d’Ajuda.
Ce que l’histoire a retenu
Une influence sur la pensée philosophique
Le tremblement de terre de Lisbonne inspira des réflexions profondes sur la condition humaine et la providence divine.
Voltaire, dans son poème « Sur le désastre de Lisbonne », critiqua l’idée d’un monde gouverné par une Providence bienveillante et critiquèrent l’optimisme de Leibniz dans des œuvres telles que Candide, tandis que Rousseau souligna les effets de l’urbanisation sur les catastrophes naturelles.
Un tournant pour la science sismologique
L’événement marqua les débuts de la sismologie moderne. Pombal fit enquêter sur les causes et les effets du tremblement de terre, posant ainsi les bases de l’étude scientifique des séismes.
Un tournant pour l’urbanisme
Lisbonne, reconstruite sur des bases modernes, devint un modèle d’urbanisme pour l’époque. Les bâtiments de la Baixa Pombalina, résistants aux tremblements de terre, restent un témoignage de cette époque.
La généralisation des façades en azulejos ayant un rôle pour lutter contre les feux et l’humidité date également de cette période.
Quake, musée-attraction autour du tremblement de terre
Quake propose de revivre cet évènement. Le musée-attraction se trouve dans le quartier de Belem à 2 pas du Musée Maat et à 5 minutes du Monastère de Jeronimos ou du jardin botanique de Belem.
Quake a été conçu pour les adultes et les enfants (à partir de 6 ans), touristes et locaux, passionnés d’histoire, scientifiques amateurs et amateurs d’aventure, tous peuvent profiter de cette expérience thématique qui permet d’en savoir plus sur le tremblement de terre de 1755, sur le siècle des Lumières, sur Lisbonne et sur les événements sismiques.
Étant donné qu’il s’agit d’une expérience immersive, le temps passé dans chaque pièce est prédéfini. La durée totale de chaque visite est donc estimée à 1 heure et 40 minutes.
Adresse : R. Cais de Alfândega Velha 39, 1300-598 Lisboa, Portugal
Site officiel : https://lisbonquake.com/
Carte de Lisbonne : Tous les lieux du guide touristique
Retrouvez tous les lieux du guide sur la carte de Lisbonne (Portugal) : Monuments à ne pas rater, musées à voir, parcs à visiter, bars insolites, où sortir le soir, site touristiques, lieux insolites et beaux endroits à découvrir…
Où dormir à Lisbonne au Portugal en 2025 ?
Pour séjourner à Lisbonne, voici nos suggestions d’hébergements en fonction de votre budget :
Auberges de jeunesse à Lisbonne à partir de 16 euros
Hotels pas chers à Lisbonne dès 55 euros
Hotels de charme à Lisbonne à 117 euros et +