Comment a fonctionné la machine nazie d’extermination à Auschwitz ? De sa construction, à son fonctionnement quotidien jusqu’à sa libération par l’armée rouge.

Carte du camp d'Auschwitz avec Auschwitz I et Auschwitz II de part et d'autre du chemin de fer. Image de Walké.
> Carte du camp d’Auschwitz avec Auschwitz I et Auschwitz II de part et d’autre du chemin de fer. Image de Walké.

Camp d’Auschwitz, histoire et étapes de construction

Le camp de concentration d’Auschwitz est créé le à l’initiative de Heinrich Himmler. 

Le camp va progressivement passer d’une prison inhumaine à un camp d’extermination des Juifs d’Europe après la conférence de Wannsee dans la banlieue de Berlin.

  1. Du premier transport de prisonniers politiques polonais le 14 juin 1940 jusqu’au début 1942, Auschwitz est un camp de concentration où les conditions de vie et de travail tuent les prisonniers « lentement ». Le taux de mortalité est très élevé. Le camp Auschwitz I est composé de baraques en brique .
  2. De début 1942 à octobre 1944, le camp d’extermination Auschwitz II Birkenau est ouvert avec pour objectif de réaliser la « Solution finale », d’éliminer la population juive d’Europe et de fournir aux entreprises allemandes de chimie et d’armement proches une main d’oeuvre corvéable. Le taux de mortalité est de 80% le jour d’arrivée.

En été 1944, le camp couvre environ 40 km2 et une 40-aine de camps plus petits sont dispersés autour dans un rayon de plusieurs 100-aine de kilomètres. A son maximum, 135 000 personnes mourraient en esclave dans le complexe d’Auschwitz.

Après la fermeture des chambres à gaz en octobre 1944 et en raison de l’offensive soviétique proche, le camp est progressivement liquidé avant d’évacuer les derniers prisonniers.

Arrivée à Auschwitz-Birkenau et sélection

L’arrivée au camp s’effectue en train dans les wagons à bestiaux où les plus faibles meurent sous l’effet de la chaleur, de la fatigue et du manque d’eau.

Rampe bondée d'Auschwitz-Birkenau en mai 1944. Les cheminées à l'horizon sont les crématoires situés à côté des chambres à gaz.
> Rampe bondée d’Auschwitz-Birkenau en mai 1944. Les cheminées à l’horizon sont les crématoires situés à côté des chambres à gaz.

A la sortie du train, dans la cohue et l’agitation, les objets personnels sont confisqués et deux colonnes sont formées : 

  • Les hommes et les garçons plus âgés d’un côté,
  • Les femmes et les enfants dans l’autre.

Ils avancent en rang devant des médecins et des fonctionnaires SS du camp. La sélection consiste à décider de leur aptitude au travail

L’âge et la condition physique générale sont les principaux critères. En moyenne, 1 personne sur 5 (20%) est retenue soit environ 200 000 personnes. Ils sont alors conduits dans le camp, enregistrés comme prisonniers, on les rase, on tatoue un numéro de matricule sur leur bras, les habille d’un uniforme avec un triangle, les affecte à une baraque et à un « Kommando » de travail. 

Tous les enfants de moins de 16 ans et les personnes âgées sont inaptes et envoyés à la « désinfection ». Pour éviter la panique, on les rassure sur le fait qu’ils retrouveront leur famille après.

Pour 80% des déportés majoritairement juifs, l’arrivée à Auschwitz se traduit par une mort dans la journée.

Sélection sur la rampe d'Auschwitz Birkenau avec les deux colonnes d'hommes et de femmes et enfants.
> Sélection sur la rampe d’Auschwitz Birkenau avec les deux colonnes d’hommes et de femmes et enfants.
Arrivée de Juifs hongrois à Auschwitz Birkenau : Tous les enfants sur la photo ont été gazés.
> Arrivée de Juifs hongrois à Auschwitz Birkenau : Tous les enfants sur la photo ont été gazés. Les femmes âgées aussi.

Chambres à gaz et fours crématoires

Pour la « désinfection », les déportés doivent se déshabiller, d’abord en plein air puis dans une salle spécialement construite.

Rien ne doit transparaître sur la réalité des « douches ». Les SS sont armés et avec des chiens mais en grande infériorité numérique.

Les personnes sont emmenées dans la chambre à gaz, enfermées et tuées avec du gaz Zyklon B.

Début septembre 1941, environ 600 prisonniers de guerre soviétiques et 250 Polonais malades furent les premiers cobayes à expérimenter ce puissant pesticide utilisé initialement pour nettoyer les baraques du camp.

La morgue du crématoire I du camp principal sera adaptée pour être utilisée comme chambre à gaz. Plusieurs centaines de personnes à la fois pourraient être tuées dans cette pièce. Des fermes sont ensuite réquisitionnées et transformées avant de construire des chambres à gaz permettant de tuer un nombre toujours plus grand de personnes : D’abord 800, puis 1200, enfin 2000 par « désinfection ».

Après leur mort, les prisonniers du Sonderkommando sortent les cadavres des chambres, coupent les cheveux des femmes et enlèvent les dents en métal et les bijoux. Ensuite, ils brûlent les cadavres dans des fosses, des bûchers ou dans les fours du crématorium.

Des crématoires furent construits pour bruler jusqu’à 4000 corps par jour. Les os qui ne brûlaient pas complètement étaient broyés en poudre avec des pilons. Les cendre étaient jetés dans les rivières et étangs à proximité ou utilisés comme engrais.

L'un des crematoriums d'Auschwitz où étaient brulées les cadavres des personnes gazées. Photo de Marcin Białek.
> L’un des petits crematoriums d’Auschwitz où étaient brulées les cadavres des personnes gazées. Photo de Marcin Białek.

La survie dans le camp de concentration

Tout au long de l’existence du camp, les autorités y ont traité les Juifs avec une cruauté impitoyable. Les SS considéraient la vie juive comme la moins précieuse de toutes.

Les règles draconiennes du camp, la menace constante de coups, l’humiliation, la punition individuelle et collective crée un désespoir psychologique et auquel s’ajoute les souffrances physiques infligées, la famine et l’épuisement lié à un travail éreintant. 

A l'intérieur d'une baraque du camp d'Auschwitz. Photo de Swgreed.
> A l’intérieur d’une baraque du camp d’Auschwitz. Photo de Swgreed.
Le camp est encerclé de fils barbelés électrifiés - Photo d'Eyshpater
> Le camp est encerclé de fils barbelés électrifiés – Photo d’Eyshpater

La vie est rythmée par des journées de travail épuisantes d’environ 10h 6 jours sur 7.  Les déportés étaient employés dans différents secteurs d’activités. Ils se voyaient ainsi confier des travaux dans les mines, dans l’armement, l’ industrie métallurgique, dans les industries chimiques (appartement à un groupement d’entreprises auquel participaient BASF, Bayer et Agfa) ainsi que des travaux forestiers ou liés à l’agriculture.

Un appel en début et en fin de journée pouvait duré plusieurs heures et donnait lieu à des châtiments corporels.

Appel dans le camp des femmes d'Auschwitz II Birkenau.
> Appel dans le camp des femmes d’Auschwitz II Birkenau.
En route pour une journée de travail pour ces prisonnières d'Auschwitz Birkenau.
> En route pour une journée de travail pour ces prisonnières d’Auschwitz Birkenau.
Usine IG-Farbenwerke en construction à Auschwitz : Primo Lévi y travaillera en tant que chimiste.
> Usine IG-Farbenwerke en construction à Auschwitz : Primo Lévi y travaillera en tant que chimiste.

Les conditions générales de vie dans les camps ont fait en sorte que de nombreuses personnes sont tombées malades dès les premiers mois. Leur nombre a augmenté régulièrement au fil du temps : Rhume, pneumonie, gelure se transformant en gangrène, maladies de la peau, gale, tuberculose, ague (paludisme), méningite, pemphigus, dysenterie…

Presque tous les détenus souffraient de furoncles, d’éruptions cutanées et d’abcès résultant principalement d’une carence en vitamines. 

En 1942 et 1943, des épidémies de typhus font le plus de victimes.

Une maladie caractéristique du camp était la maladie de la famine. Elle était généralement accompagnée de diarrhée (souvent sanglante), de jambes enflées, de troubles de la vue et de l’ouïe, de perte de mémoire, de dépression nerveuse et d’épuisement jusqu’à l’effondrement.

La majorité des détenus souffraient simultanément de plusieurs maladies.

Résistance et évasion du camp

La résistance à Auschwitz s’est d’abord organisé au sein des « prisonniers politiques » polonais. Si chaque camp politique (Socialiste, Parti paysan et Nationaliste) eut d’abord son organisation, elles fusionnèrent ensuite pour plus d’efficacité.

Les prisonniers polonais ont préparé des rapports et des listes de crimes SS passés en contrebande vers le monde extérieur par des voies secrètes. Les plus célèbres furent les rapports de Pilecki et celui de Jerzy Tableau. Ils ont également envoyé des copies et des extraits des registres au membre de la résistance à l’extérieur du camps, de la à la délégation du gouvernement national, puis par radio ou courrier au gouvernement polonais en exil à Londres.

Le gouvernement polonais en exil a joué un rôle important dans la révélation des atrocités nazies. Par la presse et les voies diplomatiques, il a constamment essayé d’informer la communauté internationale et les gouvernements alliés et neutres de ce qui se passait à Auschwitz et dans d’autres camps, du massacre de Polonais et de l’extermination des Juifs

Alors que les contacts secrets avec le camp se multipliaient, des vivres et des médicaments furent livrés aux prisonniers par la résistance polonaise.

Des évasions furent préparés avec l’organisation d’abri, de protection et de transfert des évadés vers des maquis. Afin de décourager les tentatives, les nazis exécutaient dix hommes en représailles pour chaque évadé. 928 prisonniers ont tenté leur chance et pour 196 prisonniers, l’évasion fût un succès.

Alors que la population carcérale changeait, des prisonniers d’autres origines ethniques principalement des Juifs rejoignait la résistance. Certains groupes étaient organisés sur une base ethnique et d’autres étaient mixtes. Au début de 1942/1943 virent le jour des groupes non seulement juifs mais aussi austro-allemands, tchèques, français, russes et yougoslaves. La plupart étaient de gauche.

En 1943, certains groupes ont fusionnés avec la résistance polonaise sous le nom de Kampfgruppe Auschwitz (Groupe de combat Auschwitz). Un conseil militaire conjoint a été mis en place avec la résistance à l’extérieur du camp pour préparer un soulèvement. Les préparatifs ont atteint un stade avancé, mais le feu vert à la révolte n’a jamais été donné car la lutte aurait été trop inégale.

Dans le cas d’une évasion massive, il n’y aurait pas eu de moyen pratique d’abriter des dizaines de milliers de prisonniers dans la région d’Auschwitz. Un terrain plat marécageux, pas de forêt, pas de relief.

Mutinerie et bombardement d’Auschwitz III

L’une des premières mutinerie a eu lieu le 10 juin 1942 quand des prisonniers polonais ont tenté de s’échapper alors qu’ils travaillaient dans un fossé de drainage à Birkenau. Seuls quelques-uns parvinrent à s’évader. En représailles, les SS ont exécuté 20 prisonniers par balles et assassiné plus de 300 Polonais dans la chambre à gaz.

Les prisonniers de guerre soviétiques se sont également mutinés et se sont échappés de Birkenau le 6 novembre 1942. Sous couvert de brouillard et d’obscurité tombante, ils ont forcé le passage devant les postes de garde SS dans une partie du camp de Birkenau toujours en construction et sans clôture. La majorité d’entre eux ont été abattus ou capturés lors de l’évasion.

Le 7 octobre 1944, la plus grande et la plus spectaculaire tentative de mutinerie et d’évasion de l’histoire d’Auschwitz fût l’oeuvre des Juifs du Sonderkommando.

Ils mirent le feu à l’un des crématoires, causant de graves dégâts et attaquèrent les SS à proximité. Certains prisonniers franchirent la clôture puis furent rattrapés et abattus.

Au total, environ 250 Juifs sont morts au combat dont les chefs de mutinerie Załmen Gradowski et Józef Deresiński. 3 SS furent tués, 10 blessés. 4 femmes juives qui avaient volé aux Allemands le matériel explosif furent pendues en public.

Dès 1941, la résistance polonaise transmet des rapports sur Auschwitz aux Alliés via le gouvernement polonais en exil à Londres.

Fin 1942, grâce à la mission de Jan Karski et par d’autres biais, le gouvernement des États-Unis et du Royaume-Uni sont bien informés sur la « solution finale » et sur Auschwitz-Birkenau. 

En avril 1944 un avion de reconnaissance allié survole le camp pour photographier le complexe industriel Monowitz (Auschwitz III). En juillet, Washington refuse le bombardement des voies ferrées menant à Auschwitz demandé par les dirigeants juifs américains.

Le camp d’Auschwitz III à environ 5 km des camps Auschwitz I et II est bombardé quatre fois entre août et décembre 1944. L’objectif est de détruire les industries chimiques travaillant pour l’armée allemande (production de caoutchouc de synthèse).

Les militaires mènent des objectifs militaires. Vaincre les armées nazies est un objectif militaire. Bombarder des lignes de train pour arrêter le massacre de civils non.

Vue aérienne des camps d'Auschwitz : Auschwitz II Birkenau en haut de l'image, Auschwitz I plus bas et le complexe industriel Auschwitz III tout en bas.
> Vue aérienne des camps d’Auschwitz : Auschwitz II Birkenau en haut de l’image, Auschwitz I plus bas et le complexe industriel Auschwitz III tout en bas.
Vue aérienne partielle de Auschwitz II Birkenau.
> Vue aérienne partielle de Auschwitz II Birkenau.

Evacuation et libération du camp

Le dernier appel du camp d’Auschwitz a eu lieu le 17 janvier 1945, le nombre total est de 67 012 prisonniers : 48 340 hommes et 18 672 femmes.

Une partie des bâtiments est détruite tout comme les archives pouvant incriminer les SS et cadres du camp.

Ce matin d’hiver froid et pendant plusieurs jours les gardes SS forcent les prisonniers à une marche de la mort sur des 10-aine de km. Certains ont parcouru 250 km jusqu’au camp de concentration de Gross-Rosen. Entre 9 000 et 15 000 prisonniers trop épuisés sont abattus.

Les camps d’Auschwitz I et II sont libérés par l’Armée rouge le .

L'entrée au camp d'Auschwitz Birkenau à la libération du camp. Photo de Stanislaw Mucha
> L’entrée au camp d’Auschwitz Birkenau à la libération du camp. Photo de Stanislaw Mucha

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Carte d'Auschwitz avec ses différents camps.

Maciej

J'aime me perdre à la recherche d'endroits surprenants.

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