Comment j’ai failli raté l’inratable à Budapest un matin de décembre. Moment ridicule et enseignements à tirer.
Budapest, départ pour Cracovie. Le bus est à 6.55. Réveil à 5.30. J’ai une heure pour trouver la gare routière, le bus, m’assoir, voir si le wifi fonctionne ou m’écraser dans mon siège au choix.
Il fait froid, les fenêtres des voitures sont glacées. Une seule personne dans la rue. A ses habits on devine qu’il ne s’est pas couché de la veille. Le marché de noel se résume encore au silence et au vide.
Je suis bien. Réveillé, en forme, je marche dans la bonne direction, je sais où je vais. La gare routière est sur la ligne verte un nom en K. J’ai un changement à faire et j’y suis en 30 minutes selon la loi mathématiques qui veut que 5 stations égalent 30 minutes max.
Les entrées du métro à Budapest sont discrètes comme un murmure au milieu d’une foule. Je chope le M et descends les escaliers. Quelques personnes sur le peron, le bruit d’un métro qui approche. Je regarde rapidement un plan. La précipitation me pousse à prendre une décision. Un mélange de supersition, si le métro arrive c’est qu’il est pour moi et d’urgence et me voilà dedans.
Je n’ai pas de ticket et Budapest est la pire ville du monde où resquiller selon Resquilleur magazine. Les controleurs forment une société secrète et puissante auquel un réalisateur hongrois a consacré un long métrage, c’est dire le truc. Coppola a son Parrain, Nimrod Antal a son Kontroll.
Je regarde le plan du métro. J’ai pris la mauvaise ligne. Dans le mauvais sens. Je m’éloigne de la gare routière.
A la prochaine station je sors. Pourquoi ai-je pris ce métro ? J’étais tranquille. Rien ne pressait. Maintenant je dois attendre un métro pour revenir à mon point de départ. Je cherche une machine pour acheter un ticket. Rien à l’horizon. Un petit kiosque accueille peut être un vendeur pendant la journée mais à 6h il n’y a personne. Pas grave, je prendrai un ticket à la prochaine station. De toute manière, je n’ai aucune autre possibilité.
Retour au point de départ. A quai, je descends un niveau et traverse des couloirs. Je trouve la ligne à prendre. J’ai 2 changements à faire. Où se trouve la machine où acheter les tickets ? Aucune machine pour composter non plus, peut être plus bas du coup. Je continue à descendre. Là encore ni machine, ni composteur.
Qu’est ce que je fais maintenant ? Je suis au 3e sous sol, si je remonte je perds des minutes précieuses et je risque en plus de tomber sur un controleur. Je continue ma descente. Sur le quai, des controlleurs par grappe.
J’ai un gros sac à dos un peu fluo, je ne suis pas d’ici, j’ai un gros néon qui clignote au dessus de ma tête avec écrit « lui » dessus.
Le touriste de base resquille 1. parce qu’il ne respecte rien, 2. parce qu’il ne comprend rien, 3. parce qu’il pense s’en sortir à faire le débile devant les controleurs. Après tout on est français non ? Sauf qu’à Budapest, il y a les Illuminatis des transports en commun. J’ai vu dans une video sur Youtube que 10 fraudeurs disparaissaient à Budapest chaque jour, majoritairement des Français du Sud Ouest. La production de foie gras hongroise est l’une des plus importante au monde. Coincidence ? Je ne crois pas.
Je me suis fait contrôler un bon nombre de fois à Budapest. Une fois je n’avais pas de ticket et la discussion avec le contrôleur ressemblait à du racket. Impossible de faire valoir ma situation exceptionnelle. Il faut payer.
Le métro arrive. Je rentre dans la rame dans un mélange d’attitude bovine et d’espoir born again christian.
Deux arrêts plus loin, ma dernière connexion. Mentalement je m’en remets aux forces de l’univers, je promets un cierge et une prière si j’arrive à attraper mon bus.
Ma carte bancaire possède sa personnalité et sa capacité de nuisance propre. Parfois c’est non. Impossible d’acheter le billet de bus auprès du chauffeur. Impossible aussi de l’acheter en ligne. Une erreur inopinée et sans explication dans la transaction. Super. Ma soeur connectée depuis l’Angleterre a pu m’acheter le billet en urgence. Sauf qu’il y a peu de chance qu’elle puisse renouveler l’achat si je rate mon bus. Je n’ai pas de téléphone, cela ne marchera pas sans connexion wifi et pas à 7h du matin.
Je suis sur le quai, la ligne verte, la libération au bout. J’hésite encore à remonter les niveaux pour acheter mon ticket, mais pour les mêmes raisons : Distance, probabilité de me faire contrôler. Je reste sur le quai. Si je dois payer une amende autant le faire à mon point d’arrivée, je perdrais moins de temps à trouver un distributeur – les amendes sont payables immédiatement ici.
Autour de moi toujours autant de controleur ou peut être juste d’employés des transports en commun. Qu’importe.
Mon coeur bat fort. Il m’est arrivé de faire des mini-crises de panique dans le passé. Le contexte etait souvent celui d’une gueule de bois et d’une grande fatigue physique. J’en garde un mauvais souvenir de perte de contrôle. Ce serait ridicule que cela se produise maintenant mais ce n’est pas vraiment quelques chose que l’on choisit.
Je respire lentement. Tout ira bien. Je lève les yeux. 2 minutes et le métro est là. Je respire. Je m’ancre. J’essaie de faire fonctionner mon cerveau. Je relis le nom de la direction devant laquelle je me trouve. Et biensur j’allais partir de l’autre côté de la ville. Kelenfoldi Palyaudvar et Keleti Palyaudvar C’est d’un côté la gare routière à l’ouest, de l’autre une des gares ferroviaires à l’est. A 2 minutes près, je prenais encore la mauvaise direction et ciao le bus.
Sur le quai des controleurs encore et toujours, j’ai l’impression d’être un espion américain en fuite devant le KGB. Ok c’est cliché, sauf que l’angoisse du film américain des années 70, c’est ce que je ressens là.
Arrivée au terminus, je prends les escalators et il ne se passe rien. Rien. On monte tous et au bout un controleur inspecte les billets de celles et ceux qui descendent. Et nous on monte. Tout ça pour ça.
Je ne sais pas où aller mais je demande mon chemin une premiere fois, je cours, je demande une deuxième fois, je cours et voilà mon bus. Ni en retard, ni en avance. Presque pile poil.
J’ai l’impression d’avoir gagner à un jeu où les probabilités étaient contre moi. Alors qu’en fait, j’ai juste cumulé les erreurs.
Enseignements à tirer :
- Etre reposéE. Ce n’est pas toujours simple lorsqu’on voyage depuis longtemps mais c’est important. Prenez un jour ou plus si besoin, écoutez-vous. Cela vous aidera à être assuré/confiant et à prendre de bonnes décisions lorsque la situation le demande.
- Se renseigner sur le lieu à rejoindre. Noter les infos (correspondance, adresse, plan) sur un bout de papier si mémoire faillible ou langue étrangère inhabituelle.
- Prévoir une fourchette de temps large pour rejoindre un lieu, mieux vaut attendre sur place un bouquin à la main que de courir comme un taré dans les couloirs du métro ou de la gare.
- Ne pas dépendre de sa carte de crédit. Avoir suffisamment de liquide réparti en plusieurs endroits (sac à dos, porte feuille, cache secrète…) pour ne pas devoir utiliser du plastique pour payer.
- S’assurer d’avoir quelqu’un quelques part qui pourra faire des achats en ligne pour vous si vous voyagez seul et que vous avez un souci. Surtout si vous n’avez pas de téléphone portable. Merci encore soeurette.
- Se relaxer et dédramatiser car il existe toujours des solutions et aussi parce que l’univers n’est pas hostile.
C’est un moment ridicule, ni le premier, ni le dernier 🙂
Je trouve ce texte fantastique, je vis ä Berlin et vais de plus en plus evrs l’Est. Je reconnais les peurs et les prieres ä l’univers lol. Mais au final l’Est est magnifique, fascinant et au final rassurant. Beucoup de choses sont bien meilleures que chez nous en France. J’ai grandi pensant que la France était au centre de l’univers voire l’univers et voyager toutes ces années m’ont apris qu’il y des « mini » centres de l’univers dans toutes les cultures et que le plus fin est de les ramener vers soit avec humilité et passion. Merci pour ce texte qui m’a fait sourire et même rire ä 5 am, Berlin, Europe, Monde, Univers
Merci à vous 🙂